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qu’elle fut en route, elle s’endormit profondément. La voiture avait été arrangée et garnie de coussins comme un lit. À partir de ce moment, Consuelo n’eut plus conscience de rien. Elle ne sut pas combien de temps durait son voyage ; elle ne remarqua même pas s’il faisait jour ou nuit, si elle faisait halte ou si elle marchait sans interruption. Elle aperçut Karl une ou deux fois à la portière, et ne comprit ni ses questions ni son effroi. Il lui sembla que le petit homme lui tâtait le pouls, et lui faisait avaler une potion rafraîchissante en disant :

« Ce n’est rien, madame va très bien. »

Elle éprouvait pourtant un malaise vague, un abattement insurmontable. Ses paupières appesanties ne pouvaient laisser passer son regard, et sa pensée n’était pas assez nette pour se rendre compte des objets qui frappaient sa vue. Plus elle dormait, plus elle désirait dormir. Elle ne songeait pas seulement à se demander si elle était malade, et elle ne pouvait répondre à Karl que les derniers mots qu’elle lui avait dits : « Laisse-moi tranquille, bon Karl. »

Enfin elle se sentit un peu plus libre de corps et d’esprit, et, regardant autour d’elle, elle comprit qu’elle était couchée dans un excellent lit, entre quatre vastes rideaux de satin blanc à franges d’or. Le petit homme du voyage, masqué de noir comme le chevalier, lui faisait respirer un flacon qui semblait dissiper les nuages de son esprit, et faire succéder la clarté du jour au brouillard dont elle était enveloppée.

« Êtes-vous médecin, monsieur ? dit-elle enfin avec un peu d’effort.

— Oui, madame la comtesse, j’ai cet honneur, répondit-il d’une voix qui ne lui sembla pas tout à fait inconnue.

— Ai-je été malade ?