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— Je n’en sais rien ; mais j’en suis bien persuadé. De même, signora, qu’il m’a chargé de vous enfermer, de vous surveiller, de vous tenir prisonnière, au secret, en un mot, jusqu’à ce que nous soyons arrivés.

— Nous ne restons donc pas ici ?

— Nous repartons dès la nuit. Nous ne voyagerons plus le jour, pour ne pas vous fatiguer, et pour d’autres raisons que je ne sais pas.

— Et tu vas être mon geôlier tout ce temps ?

— Comme vous dites, signora ; j’ai juré sur l’Évangile.

— Allons ! M. le chevalier est facétieux. J’en prends mon parti, Karl ; j’aime mieux avoir affaire à toi qu’à M. Schwartz.

— Et je vous garderai un peu mieux, répondit Karl en riant d’un air de bonhomie. Je vais, pour commencer, faire préparer votre dîner, signora.

— Je n’ai pas faim, Karl.

— Oh ! ce n’est pas possible : il faut que vous dîniez, et que vous dîniez très bien, signora, c’est ma consigne ; c’est ma consigne, comme disait maître Schwartz.

— Si tu l’imites en tout, tu ne me forceras pas à manger. Il était fort aise de me faire payer, le lendemain, le dîner de la veille qu’il me réservait consciencieusement.

— Cela faisait ses affaires. Avec moi c’est différent, par exemple. Les affaires regardent M. le chevalier. Il n’est pas avare, celui-là ; il verse l’or à pleines mains. Il faut qu’il soit fièrement riche, ou bien son patrimoine n’ira pas loin. »

Consuelo se fit apporter une bougie, et rentra dans la pièce voisine pour brûler son écrit. Mais elle le chercha en vain ; il lui fut impossible de le retrouver.