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toute la plénitude de la vie et du bonheur. Puis il descendit précipitamment le marchepied, et disparut.

Consuelo se trouva sous une espèce de hangar, face à face avec un vieux serviteur à demi paysan, qui portait une lanterne sourde, et qui la conduisit, par un sentier bordé de haies, le long d’une maison de médiocre apparence, jusqu’à un pavillon, dont il referma la porte derrière elle, après l’y avoir fait entrer sans lui. Voyant une seconde porte ouverte, elle pénétra dans un petit appartement fort propre et fort simple, composé de deux pièces : une chambre à coucher bien chauffée, avec un bon lit tout préparé, et une autre pièce éclairée à la bougie et munie d’un souper confortable. Elle remarqua avec chagrin qu’il n’y avait qu’un couvert ; et lorsque Karl vint lui apporter ses paquets et lui offrir ses services pour la table, elle n’osa pas lui dire que tout ce qu’elle souhaitait, c’eût été la compagnie de son protecteur pour souper.

« Va manger et dormir toi-même, mon bon Karl, dit-elle, je n’ai besoin de rien. Tu dois être plus fatigué que moi.

— Je ne suis pas plus fatigué que si je venais de dire mes prières au coin du feu avec ma pauvre femme, à qui Dieu fasse paix ! Oh ! c’est pour le coup que j’ai baisé la terre quand je me suis vu encore une fois hors de Prusse, quoiqu’en vérité je ne sache pas si nous sommes en Saxe, en Bohême, en Pologne, ou en Chine, comme on disait chez M. le comte Hoditz à Roswald.

— Et comment est-il possible, Karl, que, voyageant sur le siège de la voiture, tu n’aies pas reconnu dans la journée un seul des endroits où nous avons passé ?

— C’est qu’apparemment je n’ai jamais fait cette route-là, signora ; et puis, c’est que je ne sais pas lire ce qui est écrit sur les murs et sur les poteaux, et enfin