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sur leur compte, signora, bien que depuis deux mois ils me conduisent par la lisière et me mènent pas à pas à vous secourir et à vous sauver. »

Le bruit amorti du galop des chevaux sur l’herbe se fit entendre. En deux minutes, l’attelage fut renouvelé, ainsi que le postillon qui n’appartenait pas à l’ordonnance royale, et qui échangea à l’écart quelques paroles rapides avec l’inconnu. Celui-ci vint présenter la main à Consuelo, qui rentra avec lui dans la voiture. Il s’y assit au fond, à la plus grande distance d’elle possible ; mais il n’interrompit le silence solennel de la nuit que pour faire sonner deux heures à sa montre. Le jour était encore loin de paraître, quoiqu’on entendît le chant de la caille dans les bruyères et l’aboiement lointain des chiens de ferme. La nuit était magnifique, la constellation de la grande ourse s’élargissait en se renversant sur l’horizon. Le roulement de la voiture étouffa les voix harmonieuses de la campagne, et on tourna le dos aux grandes étoiles boréales. Consuelo comprit qu’elle marchait vers le sud. Karl, sur le siège de la voiture, s’efforçait de repousser le spectre de Mayer, qu’il croyait voir flotter à tous les carrefours de la forêt, au pied des croix, ou sous les grands sapins des futaies. Il ne songeait donc guère à remarquer vers quelles régions sa bonne ou sa mauvaise étoile le dirigeait.


XXI.

La Porporina, jugeant que c’était un parti pris, chez son compagnon, de ne point échanger une seule parole avec elle, crut ne pouvoir mieux faire que de respecter le voeu bizarre qu’il semblait observer, à l’exemple des antiques chevaliers errants. Pour échapper aux sombres