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les dernières marches, et joignant les mains, elle invoqua Dieu pour le pauvre Gottlieb et pour le généreux Karl. Séparée d’eux après les avoir laissés s’exposer à la mort pour elle, elle ne se sentit plus aucune force, aucun désir de salut. Des pas lourds et précipités retentissaient à ses oreilles, la clarté des flambeaux jaillissait devant ses yeux effarés, et elle ne savait déjà plus si c’était la réalité ou l’effet de son propre délire. Elle se laissa glisser dans un coin, et perdit tout à fait connaissance.


XX.

Lorsque Consuelo reprit connaissance, elle éprouva un bien-être incomparable, sans pouvoir se rendre compte ni du lieu où elle était, ni des événements qui l’y avaient amenée. Elle était couchée en plein air ; et, sans ressentir aucunement le froid de la nuit, elle voyait librement les étoiles briller dans le ciel vaste et pur. À ce coup d’œil enchanteur succéda bientôt la sensation d’un mouvement assez rapide, mais souple et agréable. Le bruit de la rame qui s’enfonçait dans l’eau, à intervalles rapprochés, lui fit comprendre qu’elle était dans une barque, et qu’elle traversait l’étang. Une douce chaleur pénétrait ses membres ; et il y avait, dans la placidité des eaux dormantes où la brise agitait de nombreux herbages aquatiques, quelque chose de suave qui rappelait les lagunes de Venise, dans les belles nuits du printemps. Consuelo souleva sa tête alanguie, regarda autour d’elle, et vit deux rameurs faisant force de bras chacun à une extrémité de la barque. Elle chercha des yeux la citadelle, et la vit déjà loin, sombre comme une montagne de pierre, dans le cadre transparent de l’air et de l’onde. Elle se dit qu’elle était sauvée ; mais aussitôt