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— À moins que je ne veuille le faire pendre, répondit l’adjudant avec une expression qui parut diabolique à Consuelo, je n’aurai garde de le laisser là. Êtes-vous contente de moi, signora ?

— Je ne suis pas à même de vous prouver maintenant ma gratitude, monsieur, répondit Consuelo avec une froideur dont elle s’efforçait en vain de dissimuler le dédain, mais j’espère m’acquitter bientôt honorablement envers vous.

— Pardieu, vous pouvez vous acquitter tout de suite (Consuelo fit un mouvement d’horreur) en me témoignant un peu d’amitié, ajouta Mayer d’un ton de lourde et grossière cajolerie. Là, voyons, si je n’étais pas un mélomane passionné… et si vous n’étiez pas une si jolie personne, je serais bien coupable de manquer ainsi à mes devoirs pour vous faire évader. Croyez-vous que ce soit l’attrait du gain qui m’ait porté à cela ? Baste ! je suis assez riche pour me passer de vous autres, et le prince Henry n’est pas assez puissant pour me sauver de la corde ou de la prison perpétuelle, si je suis découvert. Dans tous les cas, ma mauvaise surveillance va entraîner ma disgrâce, ma translation dans une forteresse moins agréable, moins voisine de la capitale… Tout cela exige bien quelque consolation. Allons, ne faites pas tant la fière. Vous savez bien que je suis amoureux de vous. J’ai le cœur tendre, moi ! Ce n’est pas une raison pour abuser de ma faiblesse ; vous n’êtes pas une religieuse, une bigote, que diable ! Vous êtes une charmante fille de théâtre, et je parie bien que vous n’avez pas fait votre chemin dans les premiers emplois sans faire l’aumône d’un peu de tendresse à vos directeurs. Pardieu ! si vous avez chanté devant Marie-Thérèse, comme on le dit, vous avez traversé le boudoir du prince de Kaunitz. Vous voici dans un appartement moins