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les conspirateurs dont je partage le châtiment, ils ont été tous dispersés et abattus, pensais-je, en même temps que moi, ou bien ils m’ont abandonnée sur mon refus de m’échapper des griffes de M. Buddenbrock, le jour où j’ai été transférée de Berlin à Spandaw. Eh bien, les voilà qui reparaissent, et ils ont pris Gottlieb pour leur émissaire. Les téméraires ! puissent-ils ne pas attirer sur la tête de cet innocent les mêmes maux que sur la mienne !

« Ce matin Gottlieb m’a apporté furtivement un billet ainsi conçu :

« Nous travaillons à ta délivrance ; le moment approche. Mais un nouveau danger te menace, qui retarderait le succès de notre entreprise. Méfie-toi de quiconque te pousserait à la fuite avant que nous t’ayons donné des avis certains et des détails précis. On te tend un piège. Sois sur tes gardes et persévère dans ta force.

« Tes frères :
« Les Invisibles. »

« Ce billet est tombé aux pieds de Gottlieb comme il traversait ce matin une des cours de la prison. Il croit fermement, lui, que cela est tombé du ciel et que le rouge-gorge s’en est mêlé. En le faisant causer, sans trop chercher à contrarier ses idées féeriques, j’ai pourtant appris des choses étranges, qui ont peut-être un fond de vérité. Je lui ai demandé s’il savait ce que c’était que les Invisibles.

« — Nul ne le sait, m’a-t-il répondu, bien que tout le monde feigne de le savoir.

« — Comment, Gottlieb, tu as donc entendu parler de gens qu’on appelle ainsi ?

« — Dans le temps que j’étais en apprentissage chez