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« — Puis-je vous demander son nom, monsieur ?

« — Elle s’appelle Amélie.

« — Amélie qui ?

« — Amélie… broum ! broum ! ma foi, je n’en sais rien. Vous êtes curieuse, à ce que je vois ; c’est la maladie des prisons. »

« J’en étais à me repentir d’avoir repoussé les avances de M. Mayer ; car après avoir désespéré de connaître cette mystérieuse Amélie, et y avoir renoncé, je me sentais de nouveau entraînée vers elle par un sentiment de commisération, et aussi par le désir d’éclaircir mes soupçons. Je tâchai donc d’être un peu plus aimable avec ce repoussant Mayer, et, bientôt il me fit l’offre de me mettre en rapport avec la prisonnière n° 2 ; c’est ainsi qu’il désigne cette Amélie.

« — Si cette infraction à mon arrêt ne vous compromet pas, monsieur, répondis-je, et que je puisse être utile à cette dame qu’on dit malade de tristesse et d’ennui…

« — Broum ! broum ! Vous prenez donc les choses au pied de la lettre, vous ? vous êtes encore bonne enfant ! C’est ce vieux cuistre de Schwartz qui vous aura fait peur de la consigne. La consigne ! est-ce que ce n’est pas là une chimère ? c’est bon pour les portiers, pour les guichetiers ; mais nous autres officiers (et en disant ce mot, le Mayer se rengorgea comme un homme qui n’est pas encore habitué à porter un titre aussi honorable), nous fermons les yeux sur les infractions innocentes. Le roi lui-même les fermerait, s’il était à notre place. Tenez, quand vous voudrez obtenir quelque chose, mademoiselle, ne vous adressez qu’à moi, et je vous promets que vous ne serez pas contrariée et opprimée inutilement. Je suis naturellement indulgent et humain, moi, Dieu m’a fait comme cela ; et puis j’aime la musique… Si vous voulez me chanter quelque chose de