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« — Je ne me trompe pas. Ne t’entends-je pas chanter ?

« — Tu aimes donc la musique ?

« — J’aime la tienne ; elle est selon Dieu et selon mon cœur.

« — Ton cœur est pieux, ton âme est pure, je le vois, Gottlieb.

« — Je travaille à les rendre tels. Les anges m’assisteront, et je vaincrai l’esprit des ténèbres qui s’est appesanti sur mon pauvre corps, mais qui n’a pu s’emparer de mon âme. »

« Peu à peu Gottlieb s’est mis à parler avec enthousiasme, mais sans cesser d’être noble et vrai dans ses symboles poétiques. Enfin, que vous dirai-je ? cet idiot, ce fou est arrivé à une véritable éloquence en parlant de la bonté de Dieu, des misères humaines, de la justice future d’une Providence rémunératrice, des vertus évangéliques, des devoirs du vrai croyant, des arts même, de la musique et de la poésie. Je n’ai pas pu encore comprendre dans quelle religion il avait puisé toutes ses idées, et cette fervente exaltation ; car il ne m’a semblé ni catholique ni protestant, et tout en me disant, à plusieurs reprises, qu’il croyait à la seule, à la vraie religion, il ne m’a rien appris, sinon qu’il est, à l’insu de ses parents, d’une secte particulière : je suis trop ignorante pour deviner laquelle. J’étudierai peu à peu le mystère de cette âme singulièrement forte et belle, singulièrement malade et affligée ; car, en somme, le pauvre Gottlieb est fou, comme Zdenko l’était dans sa poésie… comme Albert l’était aussi dans sa vertu sublime !… La démence de Gottlieb a reparu, lorsque après avoir parlé quelque temps avec chaleur, son enthousiasme est devenu plus fort que lui ; et alors il s’est mis à divaguer d’une manière enfantine qui me faisait mal, sur l’ange rouge-gorge et sur le chat démon ; et aussi sur sa mère,