Page:Sand - La comtesse de Rudolstadt, 1re série.djvu/248

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
244

« — Oh ! lui, c’est différent. On connaît bien les anges : ce n’est pas une raison pour regarder les murs.

« — C’est très-profond ce que tu dis là, Gottlieb. Pourrais-tu me l’expliquer ?

« — Demande au rouge-gorge, je te dis qu’il sait tout, lui ; il peut aller partout, mais il n’entre jamais que chez ses pareils. C’est pourquoi il entre dans ta chambre.

« — Grand merci, Gottlieb, tu me prends pour un oiseau.

« — Le rouge-gorge n’est pas un oiseau.

« — Qu’est-ce donc ?

« — C’est un ange, tu le sais.

« — En ce cas, j’en suis un aussi ?

« — Tu l’as dit.

« — Tu es galant, Gottlieb.

« — Galant ! a dit Gottlieb en me regardant d’un air profondément étonné ; qu’est-ce que c’est que galant ?

« — Tu ne connais pas ce mot-là ?

« — Non.

« — Comment sais-tu que le rouge-gorge entre dans ma chambre ?

« — Je l’ai vu ; et d’ailleurs il me l’a dit.

« — Il te parle donc ?

« — Quelquefois, a dit Gottlieb en soupirant, bien rarement ! Mais hier il m’a dit : « Non ! je n’entrerai jamais dans ton enfer de cuisine. Les anges n’ont pas commerce avec les méchants esprits. »

« — Est-ce que tu serais un méchant esprit, Gottlieb ?

« — Oh ! non, pas moi ; mais… »

Ici Gottlieb a posé un doigt sur ses grosses lèvres, d’un air mystérieux.

« — Mais qui ? »

« Il n’a rien répondu, mais il m’a montré son chat à la dérobée et comme s’il craignait d’en être aperçu.