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suis pas digne de délier les cordons de ses souliers. »

« Je voyais sa mère à trois pas de la porte et prête à venir se mêler à la conversation. N’ayant donc pas le temps de m’arrêter à comprendre le motif de son humilité ou de sa vénération, je me suis hâtée de lui demander si l’étage au-dessus de moi était habité, n’espérant guère, cependant, obtenir une réponse raisonnable.

« — Il n’est pas habité, m’a répondu très-judicieusement Gottlieb ; il ne pourrait pas l’être, il n’y a qu’un escalier qui conduit à la plate-forme.

« — Et la plate-forme est isolée ? Elle ne communique avec rien ?

« — Pourquoi me demandes-tu cela, puisque tu le sais ?

« — Je ne le sais pas et ne tiens guère à le savoir. C’est pour te faire parler, Gottlieb, et pour voir si tu as autant d’esprit qu’on le dit.

« — J’ai beaucoup, beaucoup d’esprit, m’a répondu le pauvre Gottlieb d’un ton grave et triste, qui contrastait avec le comique de ses paroles.

« — En ce cas, tu peux m’expliquer, ai-je repris (car les moments étaient précieux), comment cette cour est construite.

« — Demande-le au rouge-gorge, a-t-il répondu avec un étrange sourire. Il le sait, lui qui vole et qui va partout. Moi je ne sais rien, puisque je ne vais nulle part.

« — Quoi ! pas même jusqu’au haut de cette tour où tu demeures ? Tu ne sais pas ce qu’il y a derrière cette muraille ?

« — J’y ai peut-être passé, mais je n’y ai pas fait attention. Je ne regarde presque jamais rien ni personne.

« — Cependant tu regardes le rouge-gorge ; tu le vois, tu le connais.