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tout salaire (Voltaire s’en allait payé de la même monnaie), elle savait bien que le peu d’argent qu’elle avait gagné en charmant les oreilles de quelques personnages moins avares, mais moins riches, ne la mènerait pas loin, pour peu que sa captivité se prolongeât, et que M. Schwartz ne modifiât pas ses prétentions. Elle voulait le forcer à en rabattre, et, pendant deux ou trois jours, elle se contenta du pain et de l’eau qu’il lui apportait, sans faire mine de s’apercevoir de ce changement dans son régime. Le poêle commençait à être aussi négligé que les autres soins, et Consuelo souffrit le froid sans se plaindre. Heureusement il n’était plus d’une rigueur insupportable ; on était au mois d’avril, saison moins printanière en Prusse que chez nous, mais où la température commençait pourtant à s’adoucir.

Avant d’entrer en pourparler avec son tyran cupide, elle songeait à mettre ses fonds en sûreté ; car elle ne pouvait pas trop se flatter de n’être pas soumise à un examen arbitraire et à une saisie nouvelle aussitôt qu’elle avouerait ses ressources. La nécessité rend clairvoyant quand elle ne peut nous rendre ingénieux. Consuelo n’avait aucun outil avec lequel elle pût creuser le bois ou soulever la pierre. Mais le lendemain, en examinant, avec la minutieuse patience dont les prisonniers sont seuls capables, tous les recoins de sa cellule, elle finit par découvrir une brique qui ne paraissait pas être aussi bien jointe au mur que les autres. À force d’en gratter les contours avec ses ongles, elle enleva l’enduit, et remarqua qu’il n’était pas formé de ciment, comme dans les autres endroits, mais d’une matière friable qu’elle présuma être de la mie de pain desséchée. Elle réussit à détacher la brique, et trouva, derrière, un petit espace, ménagé certainement par quelque prisonnier, entre cette pièce mobile et les briques adhérentes qui