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ne pas offrir inconsidérément tes services aux premiers venus. Je ne suis pas fâchée, Schwartz, que tu reçoives cette petite leçon. Maintenant je vais me donner le plaisir de mettre au pain sec, et même au pain moisi, cette péronnelle, qui n’a pas même l’attention de mettre un Frédéric d’or dans sa poche en rentrant, pour payer la peine de la fouilleuse, et qui a l’air de regarder Gottlieb comme un imbécile sans ressources, parce qu’il ne lui fait pas la cour. Espèce, va !… »

En grommelant ainsi, et en haussant les épaules, madame Schwartz reprit le cours de ses occupations, et, se trouvant sous la cheminée auprès de Gottlieb, elle lui dit, tout en écumant ses pots :

« Qu’est-ce que tu dis de cela, toi, petit futé ? »

Elle parlait ainsi pour parler, car elle savait bien que Gottlieb entendait tout de la même oreille que son chat Belzébuth.

« Mon soulier avance, mère ! répondit Gottlieb avec un sourire égaré. Je vais bientôt en recommencer une nouvelle paire !

— Oui ! dit la vieille en hochant la tête d’un air de pitié. Comme cela tu en fais une paire tous les jours ? Continue mon garçon… cela te fera un beau revenu !… Mon Dieu, mon Dieu !… » ajouta-t-elle en recouvrant ses marmites, et d’un ton de plainte résignée, comme si l’indulgence maternelle eût donné des entrailles pieuses à ce cœur pétrifié à tous égards.

Ce jour-là, Consuelo, ne voyant point paraître son dîner, se douta de ce qui était arrivé, bien qu’elle eût peine à croire que cent ducats eussent été absorbés en si peu de temps et par un si chétif ordinaire. Elle s’était tracé d’avance un plan de conduite à l’égard des Schwartz. N’ayant pas encore reçu une obole du roi de Prusse, et craignant fort de rester sur les promesses du passé pour