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porino et le public de Berlin pour la dernière fois. Mais elle avait réussi à tromper la vigilance du cerbère femelle. L’heure était avancée, la cuisine était sombre, et madame Schwartz de mauvaise humeur d’être réveillée dans son premier sommeil. Tandis que Gottlieb dormait dans une chambre, ou plutôt dans une niche donnant sur l’atelier culinaire, et que M. Schwartz montait pour ouvrir d’avance la double porte de fer de la cellule, Consuelo s’était approchée du feu qui dormait sous la cendre, et, tout en feignant de caresser Belzébuth, elle avait cherché un moyen de sauver ses ressources des griffes de la fouilleuse, afin de n’être plus à sa discrétion absolue. Pendant que madame Schwartz rallumait sa lampe et mettait ses lunettes, Consuelo avait remarqué, au fond de la cheminée, à la place où Gottlieb se tenait habituellement, un enfoncement dans la muraille, à la hauteur de son bras, et, dans cette case mystérieuse, le livre des sermons et le soulier éternel du pauvre idiot. C’était là sa bibliothèque et son atelier. Ce trou noirci par la suie et la fumée contenait toutes les richesses, toutes les délices de Gottlieb. D’un mouvement prompt et adroit, Consuelo y posa sa bourse, et se laissa ensuite examiner patiemment par la vieille parque, qui l’importuna longtemps en passant ses doigts huileux et crochus sur tous les plis de son vêtement, surprise et courroucée de n’y rien trouver. Le sang-froid de Consuelo qui, après tout, ne mettait pas beaucoup d’importance à réussir dans sa petite entreprise, finit par persuader à la geôlière qu’elle n’avait rien ; et elle put, dès que l’examen fut fini, reprendre lestement sa bourse et la garder dans sa main sous sa pelisse jusque chez elle. Là elle s’occupa de la cacher, sachant bien que, pendant sa promenade, on venait chaque jour examiner sa cellule avec soin. Elle ne trouva rien de mieux que de