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On s’était flatté, alors qu’il était moins laid, qu’il pourrait devenir joli garçon. On s’était réjoui de son enfance studieuse et de son avenir brillant. Malgré l’état précaire où on le voyait réduit, on espérait qu’il reprendrait de la force, de l’intelligence, de la beauté, lorsqu’il aurait fini son interminable croissance. D’ailleurs, il n’est pas besoin d’expliquer que l’amour maternel s’accommode de tout, et se contente de peu. Madame Schwartz, tout en le brusquant et en le raillant, adorait son vilain Gottlieb, et si elle ne l’eût pas vu à toute heure planté comme une statue de sel (c’était son expression) dans le coin de sa cheminée, elle n’aurait plus eu le courage d’allonger ses sauces ni d’enfler ses mémoires. Le père Schwartz, qui mettait comme beaucoup d’hommes, plus d’amour-propre que de tendresse dans son sentiment paternel, persistait à rançonner et à voler ses prisonniers dans l’espérance qu’un jour Gottlieb serait ministre et fameux prédicateur, ce qui était son idée fixe, parce que, avant sa maladie, l’enfant s’était exprimé avec facilité. Mais il y avait bien quatre ans qu’il n’avait dit une parole de bon sens ; et s’il lui arrivait d’en coudre deux ou trois ensemble, ce n’était jamais qu’à son chat Belzébuth qu’il daignait les adresser. En somme, Gottlieb avait été déclaré idiot par les médecins, et ses parents seuls croyaient à la possibilité de sa guérison.

Un jour cependant, Gottlieb, sortant tout à coup de son apathie, avait manifesté à ses parents le désir d’apprendre un métier pour se désennuyer, et utiliser ses tristes années de langueur. On avait accédé à cette innocente fantaisie quoiqu’il ne fût guère de la dignité d’un futur membre de l’Église réformée de travailler de ses mains. Mais l’esprit de Gottlieb paraissait si bien déterminé à se reposer, qu’il fallut bien lui permettre d’aller étudier l’art de la chaussure dans une boutique de cor-