Page:Sand - La comtesse de Rudolstadt, 1re série.djvu/224

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
220

qu’il parlait enfin à cœur ouvert ; mais comme elle ne savait réellement rien, elle n’eut pas de mérite à persister dans ses dénégations.

Quand Pœlnitz eut vu les portes de la citadelle se refermer sur Consuelo et sur son prétendu secret, il rêva à la conduite qu’il devait tenir à son égard ; et en fin de cause, espérant qu’elle se laisserait pénétrer si, grâce à lui, elle revenait à Berlin, il résolut de la disculper auprès du roi. Mais dès le premier mot qu’il lui en dit le lendemain, le roi l’interrompit :

« Qu’a-t-elle révélé ?

— Rien, sire.

— En ce cas, laissez-moi tranquille. Je vous ai défendu de me parler d’elle.

— Sire, elle ne sait rien.

— Tant pis pour elle ! Qu’il ne vous arrive plus jamais de prononcer son nom devant moi. »

Cet arrêt fut proclamé d’un ton qui ne permettait pas de répliquer. Frédéric souffrait certainement en songeant à la Porporina. Il y avait au fond de son cœur et de sa conscience un tout petit point très-douloureux qui tressaillait alors, comme lorsqu’on passe le doigt sur une mince épine enfoncée dans les chairs. Pour se soustraire à cette pénible sensation, il prit le parti d’en oublier irrévocablement la cause, et il n’eut pas de peine à y réussir. Huit jours ne s’étaient pas écoulés, que grâce à son robuste tempérament royal et à la servile soumission de tous ceux qui l’approchaient, il ne se souvenait pas que Consuelo eût jamais existé. Cependant l’infortunée était à Spandaw. La saison du théâtre était finie, et on lui avait retiré son clavecin. Le roi avait eu cette attention pour elle le soir où on l’avait applaudie à sa barbe, croyant lui complaire. Le prince Henry était aux arrêts indéfiniment. L’abbesse de Quedlimbourg était grave-