Page:Sand - La comtesse de Rudolstadt, 1re série.djvu/223

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
219

En ramenant Consuelo à la forteresse, Pœlnitz, qui était un peu blasé sur le mépris qu’on avait pour lui, et qui ne se souvenait déjà plus guère de celui qu’elle lui avait témoigné, se conduisit assez naïvement avec elle. Il lui confessa, sans se faire prier, qu’il ne savait rien, et que tout ce qu’il avait dit des projets du prince, à l’égard des puissances étrangères, n’était qu’un commentaire gratuit de la conduite bizarre et des relations secrètes du prince et de sa sœur avec des gens suspects.

« Ce commentaire ne fait pas honneur à la loyauté de votre seigneurie, répondit Consuelo, et peut-être ne devrait-elle pas s’en vanter.

— Le commentaire n’est pas de moi, répondit tranquillement Pœlnitz ; il est éclos dans la cervelle du roi notre maître, cervelle maladive et chagrine, s’il en fut, quand le soupçon s’en empare. Quant à donner des suppositions pour des certitudes, c’est une méthode tellement consacrée par l’usage des cours et par la science des diplomates, que vous êtes tout à fait pédante de vous en scandaliser. Au reste, ce sont les rois qui me l’ont apprise ; ce sont eux qui ont fait mon éducation, et tous mes vices viennent, de père en fils, des deux monarques prussiens que j’ai eu l’honneur de servir. Plaider le faux pour savoir le vrai ! Frédéric n’en fait jamais d’autre, et on le tient pour un grand homme ; ce que c’est que d’avoir la vogue ! tandis qu’on me traite de scélérat parce que je suis ses errements ; quel préjugé ! »

Pœlnitz tourmenta Consuelo, tant qu’il put, pour savoir ce qui se passait entre elle, le prince, l’abbesse, Trenck, les aventuriers Saint-Germain et Trismégiste, et un grand nombre de personnages très-importants, disait-il, qui étaient mêlés à une intrigue inexplicable. Il lui avoua naïvement que si cette affaire avait quelque consistance, il n’hésiterait pas à s’y jeter. Consuelo vit bien