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le complice, tantôt le plastron de ses plus cruelles plaisanteries.

On sait que le colonel décoré par Frédéric du surnom emphatique de Quintus Icilius était un Français d’origine, nommé Guichard, militaire énergique et tacticien savant, du reste grand pillard, comme tous les gens de son espèce, et courtisan dans la force du terme.

Nous ne dirons rien d’Algarotti, pour ne pas fatiguer le lecteur d’une galerie de personnages historiques. Il nous suffira d’indiquer les préoccupations des convives de Frédéric pendant son alibi, et nous avons déjà dit qu’au lieu de se sentir soulagés de la secrète gêne qui les opprimait, ils se trouvèrent plus mal à l’aise, et ne purent se dire un mot sans regarder cette porte entr’ouverte par laquelle était sorti le roi, et derrière laquelle il était peut-être occupé à les surveiller.

La Mettrie fit seul exception, et, remarquant que le service de la table était fort négligé en l’absence du roi :

« Parbleu ! s’écria-t-il, je trouve le maître de la maison fort mal appris de nous laisser ainsi manquer de serviteurs et de champagne, et je m’en vais voir s’il est là dedans pour lui porter plainte. »

Il se leva, alla, sans crainte d’être indiscret jusque dans la chambre du roi, et revint en s’écriant :

« Personne ! voilà qui est plaisant. Il est capable d’être monté à cheval et de faire faire une manœuvre aux flambeaux pour activer sa digestion. Le drôle de corps !

— C’est vous qui êtes un drôle de corps ! dit Quintus Icilius, qui ne pouvait pas s’habituer aux manières étranges de La Mettrie.

— Ainsi le roi est sorti ? dit Voltaire en commençant à respirer plus librement.

— Oui, le roi est sorti, dit le baron de Pœlnitz en entrant. Je viens de le rencontrer dans une arrière-cour