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denbrock lui-même, placé non loin de lui, ayant demandé au jeune Benda de quoi il s’agissait, et celui-ci lui ayant répondu que la couronne était partie de la place du roi, se mit à battre des mains d’un air de mauvaise humeur vraiment comique. La Porporina croyait rêver ; le roi se tâtait pour savoir s’il était bien éveillé.

Quels que fussent la cause et le but de ce triomphe, Consuelo en ressentit l’effet salutaire ; elle se surpassa elle-même, et fut applaudie avec le même transport durant tout le premier acte. Mais pendant l’entr’acte, la méprise s’étant peu à peu éclaircie, il n’y eut plus qu’une partie de l’auditoire, la plus obscure et la moins à portée d’être redressée par les confidences des courtisans, qui s’obstinât à donner des signes d’approbation. Enfin, au deuxième entr’acte, les orateurs des corridors et du foyer apprirent à tout le monde que le roi paraissait fort mécontent de l’attitude insensée du public ; qu’une cabale avait été montée par la Porporina avec une audace inouïe ; enfin que quiconque serait signalé comme ayant pris part à cette échauffourée s’en repentirait certainement. Quand vint le troisième acte, le silence fut si profond dans la salle, en dépit des merveilles que fit la prima-donna, qu’on aurait entendu voler une mouche à la fin de chaque morceau chanté par elle, et qu’en revanche les autres chanteurs recueillirent tous les fruits de la réaction.

Quant à la Porporina, elle avait été bientôt désillusionnée de son triomphe.

« Ma pauvre amie, lui avait dit Conciolini en lui présentant la couronne dans la coulisse après la première scène, je te plains d’avoir des amis si dangereux. Ils achèveront de te perdre. »

Dans l’entracte, le Porporino vint dans sa loge, et lui parlant à demi-voix :