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Frédéric. Une puissance coalition, quelques années de lutte, peuvent facilement précipiter du trône ce fier souverain qui ne tient encore qu’à un fil… Avec l’amour du nouveau monarque, vous pourriez prétendre à une haute fortune. Le moins qu’il puisse arriver de tout cela, c’est que l’électeur de Saxe soit dépossédé de la royauté polonaise, et que le prince Henry aille régner à Varsovie… Ainsi…

— Ainsi, monsieur le baron, il existe, selon vous, une conspiration qui, pour satisfaire le prince Henry, veut mettre, encore une fois, l’Europe à feu et à sang ? Et ce prince, pour assouvir son ambition, ne reculerait pas devant la honte de livrer son pays à l’étranger ? J’ai beaucoup de peine à croire de pareilles lâchetés possibles ; et si, par malheur, vous dites vrai, je suis fort humiliée de passer pour votre complice. Mais finissons cette comédie, je vous en conjure. Voilà un quart d’heure que vous vous évertuez fort ingénieusement à me faire avouer des crimes imaginaires. Je vous ai écouté pour savoir de quel prétexte on se servait pour me tenir en prison ; il me reste à apprendre en quoi j’ai pu mériter la haine qui s’acharne si bassement après moi. Si vous voulez me le dire, je tâcherai de me disculper. Jusque-là je ne puis rien répondre à toutes les belles choses que vous m’apprenez, sinon qu’elles me surprennent fort, et que de semblables projets n’ont aucune de mes sympathies.

— En ce cas, mademoiselle, si vous n’êtes pas plus au courant que cela, reprit Pœlnitz très-mortifié, je m’étonne de la légèreté du prince, qui m’engage à vous parler sans détour, avant de s’être assuré de votre adhésion à tous ses projets.

— Je répète, monsieur le baron, que j’ignore absolument les projets du prince ; mais je suis bien certaine