Page:Sand - La comtesse de Rudolstadt, 1re série.djvu/214

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
210

veut vous le persuader ; qu’aucun de ses confidents ne l’a trahi ; que Saint-Germain est déjà en France, où il travaille à former une alliance entre notre conjuration et celle qui va replacer incessamment Charles-Édouard sur le trône d’Angleterre ; que Trismégiste seul a été arrêté, mais qu’il le fera évader, et qu’il est sûr de sa discrétion. Quant à vous, il vous conjure de ne point vous laisser intimider par les menaces du marquis, et surtout de ne point croire à ceux qui feindraient d’être dans vos intérêts, pour vous faire parler. Voilà pourquoi, tout à l’heure, je vous ai soumise à une petite épreuve, dont vous êtes sortie victorieuse ; et je dirai à notre héros, à notre brave prince, à notre roi futur, que vous êtes un des plus solides champions de sa cause ! »

Consuelo, émerveillée de l’aplomb de M. de Pœlnitz, ne put réprimer un éclat de rire ; et quand le baron, piqué de son mépris, lui demanda le motif de cette gaieté déplacée, elle ne put lui rien répondre, sinon :

« Vous êtes admirable, sublime, monsieur le baron ! »

Et elle recommença à rire malgré elle. Elle eût ri sous le bâton, comme la Nicole de M. Jourdain.

« Quand cette attaque de nerfs sera finie, dit Pœlnitz sans se déconcerter, vous daignerez peut-être m’expliquer vos intentions. Voudriez-vous trahir le prince ? Croiriez-vous, en effet, que la princesse vous eût livrée à la colère du roi ? Vous regarderiez-vous comme dégagée de vos serments ? Prenez garde, mademoiselle ! vous vous en repentiriez peut-être bientôt. La Silésie ne tardera pas à être livrée par nous à Marie-Thérèse, qui n’a point abandonné ses projets, et qui deviendra dès lors notre puissante alliée. La Russie, la France, donneraient certainement les mains au prince Henry ; madame de Pompadour n’a point oublié les dédains de