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— Ainsi, vous conspirez, monsieur le baron ? Je ne m’en serais jamais doutée !

— Qui ne conspire pas à l’heure qu’il est ? Le tyranneau est environné de serviteurs dévoués en apparence, mais qui ont juré sa perte.

— Je vous trouve fort léger, monsieur le baron, de me faire une pareille confidence.

— Si je vous la fais, c’est parce que j’y suis autorisé par le prince et la princesse.

— De quelle princesse parlez-vous ?

— De celle que vous savez. Je ne pense pas que les autres conspirent !… À moins que ce ne soit la margrave de Bareith, qui est mécontente de sa chétive position, et en colère contre le roi, depuis qu’il l’a rabrouée, au sujet de ses intelligences avec le cardinal de Fleury. C’est déjà une vieille histoire ; mais rancune de femme est de longue durée, et la margrave Guillemette[1] n’est pas un esprit ordinaire : que vous en semble ?

— Je n’ai jamais eu l’honneur de lui entendre dire un seul mot.

— Mais vous l’avez vue chez l’abbesse de Quedlimbourg !

— Je n’ai jamais été qu’une seule fois chez la princesse Amélie, et la seule personne de la famille royale que j’y aie rencontrée, c’est le roi.

— N’importe ! le prince Henry m’a donc chargé de vous dire…

— En vérité, monsieur le baron ! dit Consuelo d’un ton méprisant ; le prince vous a chargé de me dire quelque chose ?

— Vous allez voir que je ne plaisante pas. Il vous fait savoir que ses affaires ne sont point gâtées, comme on

  1. Sophie Wilhelmine. Elle signait sœur Guillemette, en écrivant à Voltaire.