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— Mauvaise créance ! reprenait la femme. Relis donc le code de nos lois prussiennes ; tu en verras une relative aux comédiens, qui dégage tout débiteur de toute réclamation de leur part. Prends donc garde que le dépositaire de ladite demoiselle n’invoque la loi, et ne retienne l’argent quand tu lui présenteras tes comptes.

— Mais puisque son engagement avec le théâtre n’est pas rompu par l’emprisonnement, puisqu’elle doit continuer ses fonctions, je ferai une saisie sur la caisse du théâtre.

— Et qui t’assure qu’elle touchera ses appointements ? Le roi connaît la loi mieux que personne, et si c’est son bon plaisir de l’invoquer…

— Tu penses à tout, femme ! disait M. Schwartz. Je serai sur mes gardes. Pas d’argent ? pas de cuisine, pas de feu, le mobilier de rigueur. La consigne à la lettre. »

C’est ainsi que le couple Schwartz devisait sur le sort de Consuelo. Quant à elle, lorsqu’elle se fut bien assurée que l’honnête gardien était incorruptible à l’endroit de la bougie, elle prit son parti, et arrangea ses journées de manière à ne point trop souffrir de la longueur des nuits. Elle s’abstint de chanter durant le jour, afin de se réserver cette occupation pour le soir. Elle s’abstint même autant que possible de penser à la musique et d’entretenir son esprit de réminiscences ou d’inspirations musicales avant les heures de l’obscurité. Au contraire, elle donna la matinée et la journée aux réflexions que lui suggérait sa position, au souvenir des événements de sa vie, et à la recherche rêveuse des éventualités de l’avenir. De cette manière, elle réussit, en peu de temps, à faire deux parts de sa vie, une toute philosophique, une toute musicale ; et elle reconnut qu’avec de l’exactitude et de la persévérance on peut, jusqu’à un certain point, faire fonctionner régulièrement et soumettre à la