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j’entretiendrai votre poêle avec soin ; je vous fournirai même un meilleur lit et du linge à discrétion. J’établirai mon compte chaque jour, et je me paierai sur votre avoir jusqu’à due concurrence.

— À la bonne heure ! dit Consuelo ; je vois qu’il est avec le ciel des accommodements ; et j’apprécie l’honnêteté de M. Schwartz comme je le dois. Mais quand cette somme, qui n’est pas bien considérable, sera épuisée, vous me fournirez donc les moyens de me procurer de nouveaux fonds ?

— Que votre seigneurie ne s’exprime pas ainsi ! ce serait manquer à mon devoir, et je ne le ferai jamais. Mais votre seigneurie n’en souffrira pas ; elle me désignera, soit à Berlin, soit ailleurs, la personne dépositaire de ses fonds, et je ferai passer mes comptes à cette personne pour qu’ils soient régulièrement soldés. Ma consigne ne s’oppose point à cela.

— Fort bien. Vous avez trouvé la manière de corriger cette consigne, qui est fort inconséquente, puisqu’elle vous permet de nous bien traiter, et qu’elle nous ôte cependant les moyens de vous y déterminer. Quand mes ducats d’or seront à bout, j’aviserai à vous satisfaire. Commencez donc par m’apporter du chocolat ; vous me servirez à dîner un poulet et des légumes ; dans la journée vous me procurerez des livres, et le soir vous me fournirez de la lumière.

— Pour le chocolat, votre seigneurie va l’avoir dans cinq minutes ; le dîner ira comme sur des roulettes ; j’y ajouterai une bonne soupe, des friandises que les dames ne dédaignent pas, et du café, qui est fort salutaire pour combattre l’air humide de cette résidence. Quant aux livres et à la lumière, c’est impossible. Je serais chassé sur-le-champ, et ma conscience me défend de manquer à ma consigne.