Page:Sand - La comtesse de Rudolstadt, 1re série.djvu/196

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
192

Elle remarqua alors que sa résignation faisait impression sur le vieux gardien, et qu’il en était à la fois émerveillé et contrarié.

« Votre Seigneurie n’a donc pas de répugnance pour cette nourriture grossière ? lui dit-il avec un peu d’embarras.

— Je ne vous cacherai pas que, dans l’intérêt de ma santé, à la longue, j’en désirerais une plus substantielle ; mais si je dois me contenter de celle-ci, ce ne sera pas pour moi une grande contrariété.

— Vous étiez cependant habituée à bien vivre ? Vous aviez chez vous une bonne table, je suppose ?

— Eh ! mais, sans doute.

— Et alors, reprit Schwartz d’un air insinuant, pourquoi ne vous feriez-vous pas servir ici, à vos frais, un ordinaire convenable ?

— Cela est donc permis ?

— À coup sûr ! s’écria Schwartz, dont les yeux brillèrent à l’idée d’exercer son trafic, après avoir eu la crainte de trouver une personne trop pauvre ou trop sobre pour lui assurer ce profit. Si votre seigneurie a eu la précaution de cacher quelque argent sur elle en entrant ici… il ne m’est pas défendu de lui fournir la nourriture qu’elle aime. Ma femme fait fort bien la cuisine, et nous possédons une vaisselle plate fort propre.

— C’est fort aimable de votre part, dit Consuelo, qui découvrait la cupidité de M. Schwartz avec plus de dégoût que de satisfaction. Mais la question est de savoir si j’ai de l’argent en effet. On m’a fouillée en entrant ici ; je sais qu’on m’a laissé un crucifix auquel je tenais beaucoup, mais je n’ai pas remarqué si on me prenait ma bourse.

— Votre seigneurie ne l’a pas remarqué ?

— Non ; cela vous étonne ?