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rien de repoussant au premier abord. On l’avait choisi pour servir les femmes, à cause de ses moeurs, de sa bonne tenue, et de sa discrétion à toute épreuve. Il s’appelait Schwartz, et déclina son nom à Consuelo.

« Je demeure au-dessous de vous, dit-il, et si vous veniez à être malade, il suffira que vous m’appeliez par votre fenêtre.

— N’avez-vous pas une femme ? lui demanda Consuelo.

— Sans doute, répondit-il, et si vous avez absolument besoin d’elle, elle sera à vos ordres. Mais il lui est défendu de communiquer avec les dames prisonnières, sauf le cas de maladie. C’est le médecin qui en décide. J’ai aussi un fils, qui partagera avec moi l’honneur de vous servir…

— Je n’ai pas besoin de tant de serviteurs, et si vous voulez bien le permettre, monsieur Schwartz, je n’aurai affaire qu’à vous ou à votre femme.

— Je sais que mon âge et ma physionomie rassurent les dames. Mais mon fils n’est pas plus à craindre que moi ; c’est un excellent enfant, plein de piété, de douceur et de fermeté. »

Le gardien prononça ce dernier mot avec une netteté expressive que la prisonnière entendit fort bien.

« Monsieur Schwartz, lui dit-elle, ce n’est pas avec moi que vous aurez besoin de faire usage de votre fermeté. Je suis venue ici presque volontairement, et je n’ai aucune intention de m’échapper. Tant que l’on me traitera avec décence et convenance, comme on paraît disposé à le faire, je supporterai sans me plaindre le régime de la prison, quelque rigoureux qu’il puisse être. »

En parlant ainsi, Consuelo, qui n’avait rien pris depuis vingt-quatre heures, et qui avait souffert de la faim toute la nuit, se mit à rompre le pain bis et à le manger avec appétit.