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déjà le front dans la poussière. À genoux, vous dis-je, ou je ne vous écoute pas.

— Comme je n’ai absolument rien à vous dire, répondit Consuelo d’un ton glacial, vous n’avez pas à m’écouter ; et quant à me mettre à genoux, c’est ce que vous n’obtiendrez jamais de moi. »

Le roi songea pendant un instant à renverser par terre et à fouler aux pieds cette fille insensée. Consuelo regarda involontairement les mains de Frédéric qui s’étendaient vers elle convulsivement, et il lui sembla voir ses ongles s’allonger et sortir de ses doigts comme ceux des chats au moment de s’élancer sur leur proie. Mais les griffes royales rentrèrent aussitôt. Frédéric, au milieu de ses petitesses, avait trop de grandeur dans l’esprit, pour ne pas admirer le courage chez les autres. Il sourit en affectant un mépris qu’il était loin d’éprouver.

« Malheureuse enfant ! dit-il d’un air de pitié, ils ont réussi à faire de toi une fanatique. Mais écoute ! les moments sont précieux. Tu peux encore racheter ta vie ; dans cinq minutes il sera trop tard. Je te les donne, ces cinq minutes ; mets-les à profit. Décide-toi à tout révéler, ou bien prépare-toi à mourir.

— J’y suis toute préparée, répondit Consuelo, indignée d’une menace qu’elle jugeait irréalisable et mise en avant pour l’effrayer.

— Taisez-vous, et faites vos réflexions », dit le roi, en s’asseyant devant son bureau et en ouvrant un livre avec une affectation de tranquillité qui ne cachait pas entièrement une émotion pénible et profonde.

Consuelo, tout en se rappelant comme M. de Buddenbrock avait singé grotesquement le roi, en lui donnant aussi, montre en main, cinq minutes pour s’habiller, prit le parti de mettre, comme on lui prescrivait, le temps