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« Eh bien, Mademoiselle, lui dit-il d’un ton peu compatissant et même peu poli, comment vous trouvez-vous ? Êtes-vous donc sujette à ces accidents-là ? dans votre profession, ce serait un grave inconvénient. Est-ce une contrariété que vous avez eue ? Êtes-vous si malade que vous ne puissiez répondre ? Répondez, vous, Monsieur, dit-il au médecin qui soignait la cantatrice, est-elle gravement malade ?

— Oui, sire, répondit le médecin, le pouls est à peine sensible. Il y a un désordre très grand dans la circulation, et toutes les fonctions de la vie sont comme suspendues ; la peau est glacée.

— C’est vrai, dit le roi en prenant la main de la jeune fille dans la sienne ; l’œil est fixe, la bouche décolorée. Faites-lui prendre des gouttes d’Hoffmann, que diable ! Je craignais que ce ne fût une scène de comédie, je me trompais. Cette fille est fort malade. Elle n’est ni méchante, ni capricieuse ; n’est-ce pas, monsieur Porporino ? Personne ne lui a fait de chagrin ce soir ? Personne n’a jamais eu à se plaindre d’elle, n’est-ce pas ?

— Sire, ce n’est pas une comédienne, répondit Porporino, c’est un ange.

— Rien que cela ! En êtes-vous amoureux ?

— Non, sire, je la respecte infiniment ; je la regarde comme ma sœur.

— Grâce à vous deux et à Dieu, qui ne damne plus les comédiens, mon théâtre va devenir une école de vertu ! Allons, la voilà qui revient un peu. Porporina, est-ce que vous ne me reconnaissez pas ?

— Non, monsieur, répondit la Porporina en regardant

    cesse Amélie, ayant refusé obstinément de se marier, avait été dotée par lui de l’abbaye de Quedlimburg, prébende royale qui rapportait cent mille livres de rente, et dont elle porta le titre à la manière des chanoinesses catholiques.