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seule, qui fais parvenir ces lettres et les traites qui y sont jointes à la personne que vous savez.

— Ainsi, c’est vous qui êtes la maîtresse du baron de Trenck ? »

Consuelo, effrayée du mensonge pénible qu’on exigeait d’elle, garda le silence.

« Répondez, madame, reprit le domino rouge ; le baron ne nous cache point qu’il reçoive des consolations et des secours d’une personne qui l’aime. C’est donc bien vous qui êtes l’amie du baron ?

— C’est moi, répondit Consuelo avec fermeté, et je suis aussi surprise que blessée de vos questions. Ne puis-je être l’amie du baron sans m’exposer aux expressions brutales et aux soupçons outrageants dont il vous plaît de vous servir avec moi ?

— La situation est trop grave pour que vous deviez vous arrêter à des mots. Écoutez bien : vous me chargez d’une mission qui me compromet, et qui m’expose à des dangers personnels de plus d’un genre. Il peut y avoir sous jeu quelque trame politique, et je ne me soucie pas de m’en mêler. J’ai donné ma parole aux amis de M. de Trenck de le servir dans une affaire d’amour. Entendons-nous bien : je n’ai pas promis de servir l’amitié. Ce mot est trop vague, et me laisse des inquiétudes. Je vous sais incapable de mentir. Si vous me dites positivement que de Trenck est votre amant, et si je puis en informer Albert de Rudolstadt…

— Juste ciel ! monsieur, ne me torturez pas ainsi ; Albert n’est plus !…

— Au dire des hommes, il est mort, je le sais ; mais pour vous comme pour moi il est éternellement vivant.

— Si vous l’entendez dans un sens religieux et symbolique, c’est la vérité ; mais si c’est dans un sens matériel…