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ce bal où votre présence n’est guère convenable, et où le grand lama saura certainement que vous êtes venue. Donnez-moi le bras jusqu’à la sortie. Je ne puis vous reconduire plus loin. Je suis censé garder les arrêts à Potsdam, et les murailles du palais ont des yeux qui perceraient un masque de fer. »

En ce moment on frappa à la porte de la loge, et comme le prince n’ouvrait pas, on insista.

« Voilà un drôle bien impertinent de vouloir entrer dans une loge où se trouve une dame ! » dit le prince en montrant son masque barbu à la lucarne de la loge.

Mais un domino rouge, à face blême, dont l’aspect avait quelque chose d’effrayant, lui apparut, et lui dit avec un geste singulier :

« Il pleut. »

Cette nouvelle parut faire grande impression sur le prince.

« Dois-je donc sortir ou rester ? demanda-t-il au domino rouge.

— Vous devez chercher, répondit ce domino, une nonne toute semblable à celle-ci, qui erre dans la cohue. Moi, je me charge de madame », ajouta-t-il en désignant Consuelo, et en entrant dans la loge que le prince lui ouvrait avec empressement.

Ils échangèrent bas quelques paroles, et le prince sortit sans adresser un mot de plus à la Porporina.

« Pourquoi, dit le domino rouge en s’asseyant dans le fond de la loge, et en s’adressant à Consuelo, avez-vous pris un déguisement tout pareil à celui de la princesse ? C’est l’exposer, ainsi que vous, à des méprises fatales. Je ne reconnais là ni votre prudence ni votre dévouement.

— Si mon costume est pareil à celui d’une autre personne, je l’ignore entièrement, répondit Consuelo, qui