Page:Sand - La comtesse de Rudolstadt, 1re série.djvu/163

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
159

différente. Laissez donc à Trismégiste ou à Saint-Germain le soin de cette initiation.

— Mais Trismégiste n’est-il pas parti ? dit Consuelo, qui était trop bonne comédienne pour ne pas pouvoir imiter la voix rauque et changeante de la princesse Amélie.

— S’il est parti, vous devez le savoir mieux que moi, puisque cet homme n’a de rapports qu’avec vous. Pour moi, je ne le connais pas. Mais M. de Saint-Germain me paraît l’ouvrier le plus habile et le plus extraordinairement versé dans la science qui nous occupe. Il s’est fait fort de nous attacher cette belle cantatrice et de la soustraire aux dangers qui la menacent.

— Est-elle réellement en danger ? demanda Consuelo.

— Elle y sera si elle persiste à repousser les soupirs de M. le marquis.

— Quel marquis ? demanda Consuelo étonnée.

— Vous êtes bien distraite, ma sœur ! Je vous parle de Fritz ou du grand lama.

— Oui, du marquis de Brandebourg ! reprit la Porporina, comprenant enfin qu’il s’agissait du roi. Mais vous êtes donc bien sûr qu’il pense à cette petite fille ?

— Je ne dirai pas qu’il l’aime, mais il en est jaloux. Et puis, ma sœur, il faut bien reconnaître que vous la compromettez, cette pauvre fille, en la prenant pour votre confidente… Allons ! je ne sais rien de cela, je n’en veux rien savoir ; mais, au nom du ciel, soyez prudente, et ne laissez pas soupçonner à nos amis que vous soyez mue par un autre sentiment que celui de la liberté politique. Nous avons résolu d’adopter votre comtesse de Rudolstadt. Quand elle sera initiée et liée par des serments, des promesses et des menaces, vous ne risquerez plus rien avec elle. Jusque-là, je vous en conjure, abstenez-vous de la voir et de lui parler de vos affaires et des nôtres… Et pour commencer, ne restez pas dans