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plie, pas même à madame de Maupertuis, qui dort si profondément dans ce moment-ci.

— Laisse-la ronfler. Éveillée ou endormie, c’est toujours la même bête… C’est égal, de Kleist, je voudrais connaître cette Porporina, et savoir si l’on peut tirer d’elle quelque chose. Je regrette beaucoup de n’avoir pas voulu la recevoir chez moi, lorsque le roi m’a proposé de me l’amener le matin pour faire de la musique : tu sais que j’avais une prévention contre elle…

— Mal fondée, certainement. Il était bien impossible…

— Ah ! qu’il en soit ce que Dieu voudra ! Le chagrin et l’épouvante m’ont tellement travaillée depuis un an, que les soucis secondaires se sont effacés. J’ai envie de voir cette fille. Qui sait si elle ne pourrait pas obtenir du roi ce que nous implorons vainement ? Je me suis figuré cela depuis quelques jours, et comme je ne pense pas à autre chose qu’à ce que tu sais, en voyant Frédéric s’agiter et s’inquiéter ce soir à propos d’elle, je me suis affermie dans l’idée qu’il y avait là une porte de salut.

— Que Votre Altesse y prenne bien garde… le danger est grand.

— Tu dis toujours cela ; j’ai plus de méfiance et de prudence que toi. Allons, il faudra y penser. Réveille ma chère gouvernante, nous arrivons. »


II.

Pendant que la jeune et belle abbesse[1] se livrait à ses commentaires, le roi entrait sans frapper dans la loge de la Porporina, au moment où elle commençait à reprendre ses esprits.

  1. On sait que Frédéric donnait des abbayes, des canonicats et des évêchés à ses favoris, à ses officiers, et à ses parents protestants. La prin-