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suelo répondit M. de Saint-Germain avec calme, et je vous sais gré de faire cet appel à ma loyauté. J’en serai digne, et je vous parlerai sans mystère. Mais nous voici à votre porte, et le froid, ainsi que l’heure avancée, me défendent de vous retenir ici plus longtemps. Si vous voulez apprendre des choses de la dernière importance, et d’où votre avenir dépend, permettez-moi de vous entretenir en liberté.

— Si Votre Seigneurie veut venir me voir dans la journée, je l’attendrai chez moi à l’heure qu’elle m’indiquera.

— Il faut que je vous parle demain ; et demain vous recevrez la visite de Frédéric, que je ne veux pas rencontrer, parce que je ne fais aucun cas de lui.

— De quel Frédéric voulez-vous parler, monsieur le comte ?

— Oh ! ce n’est pas de notre ami Frédéric de Trenck que nous avons réussi à tirer de ses mains. C’est de ce méchant petit roi de Prusse qui vous fait la cour. Tenez, il y aura demain grande redoute à l’Opéra : soyez-y. Quelque déguisement que vous preniez, je vous reconnaîtrai et me ferai reconnaître de vous. Dans cette cohue, nous trouverons l’isolement et la sécurité. Autrement, mes relations avec vous amasseraient de grands malheurs sur des têtes sacrées. À demain donc, madame la comtesse ! »

En parlant ainsi, le comte de Saint-Germain salua profondément Consuelo et disparut, la laissant pétrifiée de surprise au seuil de sa demeure.

« Il y a décidément, dans ce royaume de la raison, une conspiration permanente contre la raison, se disait la cantatrice en s’endormant. À peine ai-je échappé à un des périls qui menacent la mienne, qu’un autre se présente. La princesse Amélie m’avait donné l’explication