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— N’accusez pas ce pauvre Supperville, reprit le comte. Il n’a rien dit, si ce n’est à la princesse Amélie, pour lui faire sa cour. Ce n’est pas de lui que je tiens le fait.

— Et de qui donc, en ce cas, monsieur ?

— Je le tiens du comte Albert de Rudolstadt lui-même. Je sais bien que vous allez me dire qu’il est mort pendant qu’on achevait la cérémonie religieuse de votre hyménée ; mais je vous répondrai qu’il n’y a pas de mort, que personne, que rien ne meurt, et que l’on peut s’entretenir encore avec ce que le vulgaire appelle les trépassés, quand on connaît leur langage et les secrets de leur vie.

— Puisque vous savez tant de choses, monsieur, vous n’ignorez peut-être pas que de semblables assertions ne me peuvent aisément convaincre, et qu’elles me font beaucoup de mal, en me présentant sans cesse l’idée d’un malheur que je sais être sans remède, en dépit des promesses menteuses de la magie.

— Vous avez raison d’être en garde contre les magiciens et les imposteurs. Je sais que Cagliostro vous a effrayée d’une apparition au moins intempestive. Il a cédé à la gloriole de vous montrer son pouvoir, sans s’inquiéter de la disposition de votre âme et de la sublimité de sa mission. Cagliostro n’est cependant pas un imposteur, tant s’en faut ! Mais c’est un vaniteux, et c’est par là qu’il a mérité souvent le reproche de charlatanisme.

— Monsieur le comte, on vous fait le même reproche ; et comme cependant on ajoute que vous êtes un homme supérieur, je me sens le courage de vous dire franchement les préventions qui combattent mon estime pour vous.

— C’est parler avec la noblesse qui convient à Con-