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à donner pour rejoindre son serviteur affidé à la sortie du palais, dans un endroit bien abrité et bien désert, où elle lui avait commandé d’aller l’attendre.

Munie de ces instructions, et bien certaine cette fois de ne pas s’égarer dans le palais, Consuelo prit congé de la princesse, qui ne s’amusa nullement à la reconduire le long de la galerie. La jeune fille partit donc seule, à tâtons, et gagna le redoutable escalier sans encombre. Une lanterne suspendue, qui brûlait en bas, l’aida à descendre, ce qu’elle fit sans mauvaise rencontre, et même sans frayeur. Cette fois elle s’était armée de volonté ; elle sentait qu’elle remplissait un devoir envers la malheureuse Amélie, et, dans ces cas-là, elle était toujours courageuse et forte. Enfin, elle parvint à sortir du palais par la petite porte mystérieuse dont madame de Kleist lui avait remis la clef, et qui donnait sur un coin d’arrière-cour. Lorsqu’elle fut tout à fait dehors, elle longea le mur extérieur pour chercher le chasseur. Dès qu’elle eut articulé le signal convenu, une ombre, se détachant du mur, vint droit à sa rencontre, et un homme enveloppé d’un large manteau s’inclina devant elle, et lui présenta le bras en silence dans une attitude respectueuse.


XI.

Consuelo se souvint que madame de Kleist, pour mieux dissimuler ses fréquentes visites secrètes à la princesse Amélie, venait souvent à pied le soir au château, la tête enveloppée d’une épaisse coiffe noire, la taille d’une mante de couleur sombre, et le bras appuyé sur celui de son domestique. De cette façon, elle n’était point remarquée des gens du château, et pouvait passer pour une de ces personnes dans la détresse qui