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il n’y a pas de mort. » Vous m’accusez de mensonge, et vous semblez ignorer que le seul mensonge qu’il y ait ici, c’est le nom même de la mort dans votre bouche impie. » Je vous avoue que cette réponse étrange bouleversa toutes mes pensées, et vainquit un instant toutes les résistances de mon esprit troublé. Comment cet homme pouvait-il connaître si bien mes relations avec Albert, et jusqu’au secret de sa doctrine ? Partageait-il sa foi, ou s’en faisait-il une arme pour prendre de l’ascendant sur mon imagination ?

« Je restai confuse et atterrée. Mais bientôt je me dis que cette manière grossière d’interpréter la croyance d’Albert ne pouvait pas être la mienne, et qu’il ne dépendait que de Dieu, et non de l’imposteur Cagliostro, d’évoquer la mort ou de réveiller la vie. Convaincue, enfin, que j’étais la dupe d’une illusion inexplicable, mais dont je trouverais peut-être le mot quelque jour, je me levai en louant froidement le sorcier de son savoir-faire, et en lui demandant, avec un peu d’ironie, l’explication des discours bizarres que tenaient ces ombres entre elles. Là-dessus, il me répondit qu’il était impossible de me satisfaire, et que je devais me contenter d’avoir vu cette personne calme et utilement occupée. « Vous me demanderiez vainement, ajouta-t-il, quelles sont ses pensées et son action dans la vie. J’ignore d’elle jusqu’à son nom. Lorsque vous avez songé à elle en me demandant à la voir, il s’est formé entre elle et vous une communication mystérieuse que mon pouvoir a su rendre efficace jusqu’au point de l’amener devant vous. Ma science ne va pas au-delà. — Votre science, lui dis-je, ne va pas même jusque-là ; car j’avais pensé à maître Porpora, et ce n’est pas maître Porpora que votre pouvoir a évoqué. — Je n’en sais rien, répondit-il avec un sérieux effrayant ; je ne veux pas le savoir. Je n’ai rien vu, ni dans votre