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— Votre Altesse… pardon ; ton Altesse ne croit pas à la magie, et cependant… Mais la question est indiscrète, sans doute ?…

— Achève : « Et cependant je suis adonnée à la magie » ; cela est connu. Eh bien, mon enfant, permets-moi de ne te donner l’explication de cette inconséquence bizarre qu’en temps et lieu. D’après le grimoire envoyé par le sorcier Saint-Germain, qui était en réalité une lettre de Trenck pour moi, tu peux déjà pressentir que cette prétendue nécromancie peut servir de prétexte à bien des choses. Mais te révéler tout ce qu’elle cache aux yeux du vulgaire, tout ce qu’elle dérobe à l’espionnage des cours et à la tyrannie des lois, ne serait pas l’affaire d’un instant. Prends patience, j’ai résolu de t’initier à tous mes secrets. Tu le mérites mieux que ma chère de Kleist, qui est un esprit timide et superstitieux. Oui, telle que tu la vois, cet ange de bonté, ce tendre cœur n’a pas le sens commun. Elle croit au diable, aux sorciers, aux revenants et aux présages, tout comme si elle n’avait pas sous les yeux et dans les mains les fils mystérieux du grand œuvre. Elle est comme ces alchimistes du temps passé qui créaient patiemment et savamment des monstres, et qui s’effrayaient ensuite de leur propre ouvrage, jusqu’à devenir esclaves de quelque démon familier sorti de leur alambic.

— Peut-être ne serais-je pas plus brave que madame de Kleist, reprit la Porporina, et j’avoue que j’ai par devers moi un échantillon du pouvoir, sinon de l’infaillibilité de Cagliostro. Figurez-vous qu’après m’avoir promis de me faire voir la personne à laquelle je pensais, et dont il prétendait lire apparemment le nom dans mes yeux, il m’en montra une autre ; et encore, en me la montrant vivante, il parut ignorer complètement qu’elle fût morte. Mais malgré cette double erreur, il ressuscita devant mes