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pire l’air raréfié de son empire ; mais que, lorsque je le vois, je suis sous le charme, et prête à lui donner toutes les preuves de dévouement qu’une fille craintive, mais pieuse, peut donner à un père rigide, mais bon.

— Tu me fais trembler, s’écria la princesse ; bon Dieu ! si tu allais te laisser dominer ou enjôler au point de trahir notre cause ?

— Oh ! pour cela, madame, jamais ! soyez sans crainte. Quand il s’agit de mes amis, ou tout simplement des autres, je défie le roi et de plus habiles encore, s’il en est, de me faire tomber dans un piège.

— Je te crois ; tu exerces sur moi, par ton air de franchise, le même prestige que tu subis de la part de Frédéric. Allons, ne t’émeus pas, je ne vous compare point. Reprends ton histoire, et parle-moi de Cagliostro. On m’a dit qu’à une séance de magie, il t’avait fait voir un mort que je suppose être le comte Albert ?

— Je suis prête à vous satisfaire, noble Amélie ; mais si je me résous à vous raconter encore une aventure pénible, que je voudrais pouvoir oublier, j’ai le droit de vous adresser quelques questions, selon la convention que nous avons faite.

— Je suis prête à te répondre.

— Eh bien, madame, croyez-vous que les morts puissent sortir du tombeau, ou du moins qu’un reflet de leur figure, animée par l’apparence de la vie, puisse être évoqué au gré des magiciens et s’emparer de notre imagination au point de se reproduire ensuite devant nos yeux, et de troubler notre raison ?

— La question est fort compliquée, et tout ce que je puis répondre, c’est que je ne crois à rien de ce qui est impossible. Je ne crois pas plus au pouvoir de la magie qu’à la résurrection des morts. Quant à notre pauvre folle d’imagination, je la crois capable de tout.