Page:Sand - La Ville noire.djvu/76

Cette page a été validée par deux contributeurs.
66
la ville noire.

« Voilà ce qui m’a perdu, mon pauvre enfant ! Je me suis cru un homme au-dessus des autres, et je n’ai pas voulu calculer, tant j’avais la foi qu’une providence faite exprès pour moi viendrait à mon secours. Je me dépêchai de placer mes économies dans cette bicoque, que je payai beaucoup trop cher, faute de patience pour marchander. J’y mis des ouvriers, plus qu’il ne m’en fallait, car je me trouvai bientôt encombré de produits que je vendis mal par trop de confiance, et ma confiance venait, je dois m’en confesser comme on se confesse à l’heure de la mort, de ce que je ne voulais pas croire qu’avec des projets si généreux, je ne trouverais pas l’aide et la considération qui m’étaient dues partout.

« Enfin j’ai trop compté sur ma destinée, et elle-même s’est plu à me tromper, car une année vint où je fis d’assez beaux profits, et dès lors ma pauvre tête s’exalta. Je crus que je touchais à la richesse, et je me mis à agir comme si je la tenais déjà. J’achetai quelques terres, dans l’idée d’y fonder une espèce de ferme modèle.

« Et cependant je ne tenais rien, car ce que je