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la ville noire.

m’a-t-elle vu brutal ou débauché ? Et quelle apparence y a-t-il que je le devienne ? Est-ce donc là le but de mon désir de richesse ? est-ce qu’un homme intelligent songe au cabaret et aux mauvaises connaissances ?

Convaincu de l’injustice de Tonine, Sept-Épées n’en fit pas moins son examen de conscience, comme s’il l’eût sentie à côté de lui, le pénétrant d’un regard sévère ou railleur, et il lui répondait : — Non, mon cœur n’a rien de lâche, mon cerveau n’a rien de dérangé ! Ce n’est pas le dégoût du travail qui m’entraîne, ce n’est pas la vanité du luxe bourgeois qui m’aveugle. Mon but est plus élevé que cela. Je ne suis pas de ceux qui peuvent accepter un travail de machine pendant toute leur vie, car tout esprit un peu noble a horreur de l’esclavage ; la tâche de l’atelier est abrutissante, et, dans le commerce, il y a un mouvement d’idées, des émotions, des intérêts variés, des calculs, enfin une certaine passion qui développe la vie dans une sphère moins étroite. Voudrait-on me voir, comme mon parrain, passer soixante ans à battre une barre de fer, toujours de