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la ville noire.

sent qu’on a tort de le vouloir. C’est le droit de l’homme de chercher à être heureux, et c’est peut-être le devoir de celui qui a des moyens. Le bonheur des uns, c’est l’encouragement des autres, et si ceux qui peinent n’avaient pas devant les yeux ceux qui se reposent, ils perdraient le courage. Suis donc ton chemin sans te laisser effrayer, ni par ton vieux parrain, qui croit que tous les habitants de la ville haute sont damnés, ni par la Tonine, qui a souffert dans son enfance et qui croit voir des Molino partout. D’ailleurs tu es jeune, et tu as besoin encore de ta liberté d’esprit. Ne songe donc ni au mariage ni à l’amour. Tu n’as pas un jour, pas une heure à perdre si tu veux faire fortune !

Quand Sept-Épées eut pris congé de Gaucher et de Lise, celle-ci gronda son mari des mauvais conseils qu’il donnait à ce jeune homme. — Tu es donc ambitieux aussi, toi ? lui dit-elle.

— Ambitieux de te rendre heureuse, répondit gaiement et franchement le brave jeune homme.

— Oui, c’est bon, ce que tu me dis là, mais peut-être que tu regrettes de m’avoir épousée cependant !