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« Souviens-toi du jour où tu te sentis en lutte avec ton semblable, en guerre avec ton frère, en désaccord avec toi-même. Ce fut le jour où tu reconnus que, pour gagner vite, il fallait mettre l’éperon au ventre de tes ouvriers, et arracher de ton pauvre cœur la confiance dont on abuse, la compassion qu’on exploite, l’amitié souvent ingrate, et ce jour-là tu jetas ton ciseau en pleurant. Tu venais d’apprendre que les hommes sont des hommes, et que qui n’est pas de fer pour l’ambition doit être d’acier pour la patience… Souviens-toi !

« Souviens-toi du jour où ton cœur devint le maître de ton esprit, et où, dégoûté d’appeler la fièvre à ton aide, tu sus attendre la volonté. Ce jour-là, tu te réconcilias avec tes frères, avec Dieu, avec toi-même. Ce jour-là, tu vis dans la flamme de ta forge une lueur qui ne sortait plus de l’enfer ; tu entendis dans la voix du torrent une parole qui venait de Dieu, tu sentis passer dans tes veines ardentes une fraîcheur qui tombait du ciel… Souviens-toi !

« Et aujourd’hui que tu te souviens de tout, garde