Page:Sand - La Ville noire.djvu/22

Cette page a été validée par deux contributeurs.
12
la ville noire.

courage, je me risquai sur une passerelle. Quand je fus au milieu et que je me sentis rebondir sur les fils de fer, je me crus perdu. Enfin j’arrivai ici, où nous voilà, et je m’enhardis à regarder le gouffre. La tête me tournait, j’avais le vertige ; pourtant l’étonnement et la nouveauté me faisaient oublier mon chagrin. Je m’imaginais être si loin de mon pays que je n’y pourrais jamais retourner, et je me disais : Puisque me voilà au fond de l’enfer pour le restant de mes jours, voyons comment c’est fait !

Le lendemain, mon parrain me promena dans toutes les fabriques, dans tous les ateliers, pour me faire voir l’endroit et m’habituer à m’y reconnaître. D’abord je crus que toutes ces usines soudées les unes aux autres n’en faisaient qu’une seule, et j’eus peine à comprendre qu’il y en avait autant de différentes que la rivière faisait de sauts dans les rochers. Puis, sous les hangars fumants et sur les passerelles en danse, je vis aller et venir quantité d’hommes et d’enfants tout noirs. — C’est les armuriers, les couteliers et les serruriers, me dit mon parrain.