Page:Sand - La Ville noire.djvu/212

Cette page a été validée par deux contributeurs.

bonheur champêtre. Il regarda autour de lui comme au sortir d’un sommeil profond ; il trouva la plaine plate et stupide, la maison prétentieuse, les animaux malpropres, la veuve sans jeunesse et sans charme. Et comme cette pauvre femme effrayée lui demandait s’il était vraiment décidé à la quitter : — Eh oui ! lui dit-il brusquement, vous ai-je promis de rester, moi, et ne vous ai-je pas dit que j’étais marié dans mon pays ? Ma femme est malade, adieu ! J’ai travaillé pour vous avec plaisir… Gardez votre argent, je ne veux rien d’ici. — Et il s’enfuit, léger comme l’oiseau qui émigré au printemps. Dès qu’il vit une voiture publique, il s’y jeta, de là dans un convoi de chemin de fer, et puis enfin, au bout de cinq jours de voyage aussi rapide que possible, il se vit à pied sur le haut du chemin de montagne, au-dessus des abîmes qui s’entr’ouvrent pour recevoir dans leurs flancs abrupts les constructions entassées et les machines bruyantes de la Ville Noire.

Il avait encore près d’une lieue à descendre pour y arriver. Il marchait si vite que ses pas laissaient à peine leur trace sur le sable du chemin, et pourtant