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battu avec lui pour le forcer à vous bien servir ; on s’est trop habitué à le mener dur, à s’en méfier, à le craindre, et comme on n’a pas toujours soi-même la conscience bien nette envers lui, on croit qu’il vous déteste et on n’est point disposé à le traiter en ami. Allez, allez, mes bonnes filles ! j’ai vu ça par mon pauvre défunt mari, qui avait monté une auberge et qui était un agneau au commencement. Et comme, par la douceur, il ne pouvait pas faire à son idée, il était devenu si chagrin et si malheureux, qu’après avoir battu ses garçons, il me battait moi-même, pauvre cher homme ! Eh bien ! gare à celle qui épousera ce Sept-Épées ! Ou il se ruinera, ou s’il réussit, il lui faudra, jour par jour, heure par heure, perdre un morceau de son cœur pour mettre une pièce d’or de plus dans sa bourse. Quand on a passé vingt ou trente ans de sa pauvre vie à disputer avec l’ouvrier, sous peine de ne rien gagner sur lui, est-ce qu’on peut tout d’un coup, comme ça, le jour où on place ses rentes, lui dire : À présent, mon petit, nous avons partagé la peine, nous allons partager le plaisir ? Non, non ! le bon Dieu ne fait guère de