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la petite fadette

bien au-dessus de son âge. Pour que cela fût, il fallait qu’elle eût un esprit d’une fière force, car son cœur était aussi ardent, et plus encore peut-être que le cœur et le sang de Landry. Elle l’aimait comme une folle, et pourtant elle se conduisit avec une grande sagesse ; car si le jour, la nuit, à toute heure de son temps, elle pensait à lui et séchait d’impatience de le voir et d’envie de le caresser, aussitôt qu’elle le voyait, elle prenait un air tranquille, lui parlait raison, feignait même de ne point encore connaître le feu d’amour, et ne lui permettait pas de lui serrer la main plus haut que le poignet.

Et Landry, qui, dans les endroits retirés où ils se trouvaient souvent ensemble, et mêmement quand la nuit était bien noire, aurait pu s’oublier jusqu’à ne plus se soumettre à elle, tant il était ensorcelé, craignait pourtant si fort de lui déplaire, et se tenait pour si peu certain d’être aimé d’amour, qu’il vivait aussi innocemment avec elle que si elle eût été sa sœur, et lui Jeanet, le petit sauteriot.

Pour le distraire de l’idée qu’elle ne voulait point encourager, elle l’instruisait dans les choses qu’elle savait, et dans lesquelles son