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la petite fadette

moquée de lui. Il courut d’une haleine jusqu’au bas de la Joncière ; il la suivit jusqu’à la coupure, et là, il allait passer outre sans y descendre, parce qu’il avait assez questionné l’endroit pour être assuré que Sylvinet n’y était point ; mais, comme il allait s’en éloigner, il entendit bêler un agneau.

« Dieu de mon âme, pensa-t-il, cette fille m’a annoncé la chose ; j’entends l’agneau, mon frère est là. Mais s’il est mort ou vivant, je ne peux le savoir. »

Et il sauta dans la coupure et entra dans les broussailles. Son frère n’y était point ; mais, en suivant le fil de l’eau, à dix pas de là, et toujours entendant l’agneau bêler, Landry vit sur l’autre rive son frère assis, avec un petit agneau qu’il tenait dans sa blouse, et qui, pour le vrai, était bureau de couleur depuis le bout du nez jusqu’au bout de la queue.

Comme Sylvinet était bien vivant et ne paraissait gâté ni déchiré dans sa figure et dans son habillement, Landry fut si aise qu’il commença par remercier le bon Dieu dans son cœur, sans songer à lui demander pardon d’avoir eu recours à la science du diable pour