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pour y loger tant d’amitiés et tant de contentements ! J’en ai comme mal à l’estomac.

Il y eut une foule à la porte de la mairie et de l’église pour regarder la jolie mariée. Pourquoi ne dirions-nous pas son costume ? il lui allait si bien ! Sa cornette de mousseline claire et brodée partout avait les barbes garnies de dentelle. Dans ce temps-là les paysannes ne se permettaient pas de montrer un seul cheveu ; et quoiqu’elles cachent sous leurs cornettes de magnifiques chevelures roulées dans des rubans de fil blanc pour soutenir la coiffe, encore aujourd’hui ce serait une action indécente et honteuse que de se montrer aux hommes la tête nue. Cependant elles se permettent à présent de laisser passer sur le front un mince bandeau qui les embellit beaucoup. Mais je regrette la coiffure classique de mon temps : ces dentelles blanches à cru sur la peau avaient un caractère d’antique chasteté qui me semblait plus solennel, et quand une figure était belle ainsi, c’était d’une beauté dont rien ne peut exprimer le charme et la majesté naïve.

La petite Marie portait encore cette coiffure, et son front était si blanc et si pur, qu’il défiait le blanc du linge de l’assombrir. Quoiqu’elle n’eût pas fermé l’œil de la nuit, l’air du matin et surtout la joie intérieure d’une âme aussi limpide que le ciel, et puis encore un peu de flamme secrète, contenue par la pudeur de l’ado-