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aux citernes de Luban. Toute autre fille eût pris un air d’importance et une tenue de triomphe ; car, dans tous les rangs, c’est quelque chose que d’être épousée pour ses beaux yeux. Mais les yeux de la jeune fille étaient humides et brillants d’amour ; on voyait bien qu’elle était profondément éprise et qu’elle n’avait point le loisir de s’occuper de l’opinion des autres. Son petit air résolu ne l’avait point abandonnée ; mais c’était toute franchise et tout bon vouloir chez elle ; rien d’impertinent dans son succès, rien de personnel dans le sentiment de sa force. Je ne vis oncques si gentille fiancée, lorsqu’elle répondait nettement à ses jeunes amies qui lui demandaient si elle était contente : — Dame ! bien sûr ! je ne me plains pas du bon Dieu.

Le père Maurice porta la parole ; il venait faire les compliments et invitations d’usage. Il attache d’abord au manteau de la cheminée une branche de laurier ornée de rubans ; ceci s’appelle l’exploit, c’est-à-dire la lettre de faire part ; puis il distribua à chacun des invités une petite croix faite d’un bout de ruban bleu traversé d’un autre bout de ruban rose ; le rose pour la fiancée, le bleu pour l’épouseur ; et les invités des deux sexes durent garder ce signe pour en orner les uns leur cornette, les autres leur boutonnière le jour de la noce. C’est la lettre d’admission, la carte d’entrée.