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loin !… Le parc m’ennuie ; mamita veut toujours rentrer, et voilà grand’mère qui trouve déjà qu’une heure par jour dans le manège du jardin, c’est beaucoup pour mon petit corps. Mais je me sens très-forte, moi ! Est-ce qu’elle se figure que j’ai soixante ans ?


Quatre heures.

La journée est mauvaise, décidément : mamita n’a pas voulu me laisser monter à cheval aujourd’hui. Elle prétend que cela me donne la fièvre et me rend irritable. Je crois, qu’en effet, j’ai été un peu mauvaise. Et puis, la grand’mère est venue, par là-dessus, dire que le manége, de deux jours l’un, c’était assez ; que le cheval devait être un exercice, un délassement, mais non une passion, une rage. Je comprends bien cela chez mamita ; mais, pour moi, c’est autre chose, et me voilà un peu furieuse. Maman est triste !… Allons, j’ai tort. Je vais l’embrasser, mais c’est bien ennuyeux de toujours céder. C’est bien la peine que mon père m’ait envoyé un si beau cheval pour que je ne m’en serve pas ! Je suis sûre que, s’il était là, il me donnerait raison. Que c’est triste, de ne pas être élevé par ses parents !


Cinq heures.

Maman m’a fait pleurer. Elle est si bonne, ma pauvre mamita ! si douce, si tendre, si vraie ! Eh ! mon Dieu ! je l’aime plus que tout au monde. Pourquoi ai-je tant de peine à lui obéir ?